Résumé
Comment se sent-on lorsque les chansons qu'on aime, les films qui nous font rêver, les artistes qu'on admire sont jugés et moqués ? Qu'éprouve-t-on lorsqu'on réalise que ce mépris est la face visible d'un continuum de domination bien plus grand ? Revenant sur son histoire, Rose Lamy raconte le coût d'une existence déterminée parla classe sociale. La mort prématurée, les emplois aliénants, les déserts sociaux et médicaux... elle montre tout ce que la figure du beauf et ses avatars permettent d'invisibiliser. Avec Ascendant beauf, Rose Lamy tisse un récit de la domination culturelle, mais côté dominée. Films, émissions de télévision, livres, souvenirs, elle interroge les formes et les fonctions de ce mépris, porté aussi parfois par le camp politique historique des classes populaires : la gauche. Un essai puissant pour se libérer de cette domination et cesser de (se) trahir.
Notre avis
A mi-chemin entre le témoignage et l'essai sociologique, ce texte se révèle très sensible et nous pousse à réfléchir à des notions clés de la sociologie et à leur application concrète dans nos vies : le déterminisme, le mépris de classe, la hiérarchie culturelle...
Rose Lamy, militante féministe révélée notamment pour son compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre, sait de quoi elle parle. Fille d'une mère au foyer et d'un boulanger décédé prématurément, elle est une sorte de transfuge de classe au parcours contrarié : malgré des études universitaires elle a connu une très longue période de précarité et ne s'est jamais sentie complètement intégré dans les nouveaux espaces sociaux qu'elle fréquente. Elle se sent encore comme la "beauf" du groupe à côté de ses amis mieux nés, plus cultivés, mieux insérés professionnellement. Une beauf qui a honte de ses références culturelles, qui n'ose pas dire qu'elle aime Larusso, Jean-Jacques Goldman ou Starmania. D'ailleurs pourquoi la chanson Tu m'oublieras (tube pop des années 90) est soudainement devenue chic et acceptable avec la reprise de Juliette Armanet en 2021?
L'autrice interroge alors les raisons de cette honte et déploie une réflexion profonde sur la légitimité culturelle et les représentations des dominés par rapport aux dominants. Une lecture qui incite à partager l'introspection de l'autrice. Bien qu'assez personnel, ce livre a la qualité des bons textes sociologiques : il est universel.