Xavier Dolan, président de la sélection Un certain regard
Un certain regard
Dans cette sélection créée en 1978, on retrouve des films plus expérimentaux qui sortent des sentiers battus en s'autorisant des histoires originales et des mises en scène plus singulières.
Non compétitive jusqu'en 1998 (quand fut créé le prix dédié), la section propose une vingtaine de films le plus souvent portés par de jeunes réalisateurs (il est rare que des premiers films soient en compétition, cette année il y en a 8). Il peut aussi arriver que des grands noms du cinéma soient positionnés dans "Un certain regard" quand ils sortent un projet un peu "en marge".
La clôture du Festival a donné au film chinois Black Dog la palme de la sélection Un certain regard. C'est le 11e film du réalisateur Guan Hu, né en 1968 à Pékin.
Voici le synopsis de son long-métrage : "Lang retourne dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Alors qu’il travaille pour la patrouille locale chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il noue une étrange relation avec l’un d’entre eux. Ces deux âmes solitaires embarquent alors pour un nouveau voyage ensemble…". Cette fiction politiquement incorrect résonne avec notre actualité car elle se déroule avant les Jeux-Olympiques de 2008.
Xavier Dolan, arrivé en retard à la remise des prix à cause d'un problème technique lui empêchant d'imprimer son discours, a profité de sa prise de parole pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza, initiative largement applaudie. Black Dog est salué par la critique en tant que film social puissant où la Chine des espaces perdus fait preuve d'autorité pour éliminer les chiens indésirables avant les JO. Une belle oeuvre sur le rapport humains-animaux à l'ambiance lunaire et mystique. Nous n'avons pas encore de date de sortie ni de bande-annonce mais il nous tarde de plonger dans cette histoire prometteuse !
Xavier Dolan
Xavier Dolan, figure du cinéma indépendant francophone des années 2010-2020, est un choix tout indiqué pour présider la sélection. Considéré comme le jeune prodige du cinéma, son parcours et son œuvre sont étonnants. Né en 1989, il est à la fois acteur, réalisateur, scénariste et producteur. C'est avec toutes ces casquettes qu'il présente son premier long-métrage J'ai tué ma mère en 2009 à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, il n'a que vingt ans. Ce film choc a été salué par la critique et l'a fait connaître du grand public. J'ai tué ma mère raconte la haine d'un fils envers sa mère qu'il trouve très moyenne : ignorante, de mauvais goût et manipulatrice. Les rapports familiaux conflictuels sont souvent au cœur de l'œuvre de Dolan.
Après ce succès, le jeune réalisateur se montre très actif : près d'un film par an, toujours présents dans les festivals majeurs. Il y eut notamment Laurence Anyways (2012, sur la transidentité), Tom à la ferme (2013, sur le deuil et l'homophobie) Mommy (2014, sur un ado borderline, premier film en compétition officielle), Juste la fin du monde (2016, adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce avec Gaspard Uliel, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard...).
Si ses derniers films ont été un peu moins appréciés, ils n'en restent pas moins de beaux drames très esthétiques et plein d'émotions, Ma vie avec John F. Donovan (avec Nathalie Portman, Susan Sarandon et Kathy Bates) est l'un de nos préférés.
Car le cinéma de Dolan c'est ça : beaucoup de vie (familiale, amicale, amoureuse), des crises, de la tension...C'est clinquant, à la fois dans l'image et dans le son (Dolan est fan de musique populaire années 80-90), éprouvant mais aussi d'une beauté touchante et sincère.
Autodidacte dans la réalisation cinématographique, Dolan n'est pourtant pas étranger au milieu. Fils du comédien et chanteur égypto-québecois Manuel Tadros, il commence sa carrière télévisuelle à 4 ans en jouant dans des publicités pour des pharmacies. Il jouera ensuite dans des long-métrages québécois (J'en suis ! ) et des séries (Omertà). Sa passion pour la comédie le poussera à jouer dans ses propres films (Matthias et Maxime, Les amours imaginaires, Tom à la ferme...) et d'autres réalisateurs feront appel à lui : Xavier Giannoli pour Illusions perdues, Andrés Muschietti pour Ça : chapitre 2, Joel Edgerton pour Boy Erased...
Surdoué et polyvalent, le cinéaste a aussi une activité moins connu de doubleur. Il est la voix québécoise de Rupert Grint (Ron Weasley dans Harry Potter), Taylor Lautner (Jacob dans Twilight), Timothée Chalamet, Eddie Redwayne, ou encore Nicolas Hoult. Ce sont plus de 250 films et séries qui accueillent la voix de Dolan.
Il a aussi réalisé des clips pour Adèle (Hello et Easy on Me) et Indochine (College Boy, un clip qui a failli être censuré par le CSA car montrant une scène de harcèlement scolaire). En 2021, il devient professeur d'identité artistique de la Star Académie 6 au Québec.
Engagé et portant un regard lucide sur la société, Xavier Dolan a déclaré voir dans la Manif pour tous une « démonstration de haine et d'intolérance » et déplore le retard de la France par rapport au Québec sur la question des droits des homosexuels. Il réfute cependant l'étiquette d'auteur de "cinéma homosexuel", il n'est pas en faveur de prix spécifiques tels que la Queer Palm, qu'il a pourtant reçu en 2012 pour Laurence Anyways. A ce sujet, il déclarera :
« Que de tels prix existent me dégoûte. Quel progrès y a-t-il à décerner des récompenses aussi ghettoïsantes, aussi ostracisantes, qui clament que les films tournés par des gays sont des films gays ? On divise avec ces catégories. On fragmente le monde en petites communautés étanches. La Queer Palm, je ne suis pas allé la chercher. Ils veulent toujours me la remettre. Jamais ! L'homosexualité, il peut y en avoir dans mes films comme il peut ne pas y en avoir »
Une carrière fulgurante
En 2008, Il a 19 ans quand il entreprend de réaliser J'ai tué ma mère, l'une de ses nouvelles, écrite trois ans plus tôt. D'abord soumis à la SODEC puis à Téléfilm Canada, le financement est refusé. Un second dépôt au volet "indépendant" permettra de subventionner le premier film de Dolan qui devra tout de même investir de sa poche 150 000 $. Ce long-métrage, comme les suivants, bénéficiera d'un casting de choix : Anne Dorval, Suzanne Clément, Niels Schneider...Dolan a le chic pour s'entourer de brillants acteurs français, québecois et internationaux (Kit Harrington alias Jon Snow joue dans l'un de ses derniers films).
J'ai tué ma mère (55 000 entrées en France) remporte trois prix : le prix Art et Essais, le prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques pour le scénario et le prix Regards jeunes. Les jurys ont souligné le caractère unique de cette oeuvre violente, vraie et poétique (les dialogues valent d'être attentivement écoutés et ré-écoutés). L'acharnement du jeune auteur et son goût de faire des films comme un artisan sont aussi salués, Xavier Dolan s'est fait tatouer, sur la jambe droite, une citation de Cocteau : « L'œuvre est sueur ».
Il enchaîne avec Les amours imaginaires. Réalisateur, scénariste, producteur et monteur, Xavier Dolan veut aussi avoir un oeil sur la direction artistique et les costumes. Un exigence qui paiera : 8 minutes de standing ovation à Cannes lors de la projection d'Un certain regard. La critique est bonne (Thierry Frémaux parle d'une « nouvelle génération tout à fait excitante ») et le public est réceptif (130 000 entrées en France). Le style authentique de Dolan ne fait pas l'unanimité mais l'on salue l'audace et l'originalité de ses oeuvres. Lancé sur la voie du succès, il ne s'arrête pas et marque durablement le cinéma des années 2010.
Une foi en ses idées qui, malheureusement, est mise à rude épreuve. En 2023, une annonce secoue le monde du cinéma : face à la difficulté de financer des films qui n'ont pas le succès escompté, Xavier Dolan déclare arrêter le cinéma. En revanche, il dit vouloir continuer de travailler pour la télévision. En 2022, il nous a offert La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé, une mini-série dramatique qui se joue des codes des films d'horreurs. Une oeuvre intéressante où l'on retrouve la signature Dolan : une prise de son maîtrisée, des drames exagérés, une famille déchirée et une classe moyenne magnifiée. Là encore, c'est une pièce de théâtre qui a été adaptée. On y retrouve Anne Dorval, actrice fétiche de Dolan.
Talentueux et imaginatif, Xavier Dolan peut nous surprendre encore. En attendant, on compte sur son regard acéré pour dénicher la prochaine pépite de Cannes.
Les prix de Dolan :
- 2012 : Meilleur film canadien au Festival international du film de Toronto pour Laurence Anyways
- 2014 : Prix du jury du Festival de Cannes pour Mommy (ex-aequo avec Adieu au langage de Jean-Luc Godard)
- 2016 : Grand Prix du Festival de Cannes pour Juste la fin du monde
- 2017 : César du meilleur réalisateur et du meilleur montage pour Juste la fin du monde
- 2019 : Nommé chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres de France
Retrouvez la filmographie de Xavier Dolan en cliquant sur les images ci-dessous :
Les bandes son
Découvrez un florilège des chansons qui rythment les films de Dolan pour plonger complètement dans son univers et ses scènes iconiques.
Fade to grey (Visage) dans Laurence Anyways
New Error (Moderat) dans Laurence Anyways
If I had a Heart (Fever Ray) dans Laurence Anyways
Bang, Bang (Dalida) dans Les amours imaginaires
Pass this on (The Knife) dans Les amours imaginaires
Keep the streets empty for me (Fever Ray) dans Les amours imaginaires
Cinammon Girl (Lana del Rey) dans Matthias et Maxime
Born to die (Lana del Rey) dans Mommy
On ne change pas (Céline Dion) dans Mommy