L'histoire de Souleymane
Résumé
Tandis qu'il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d'asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n'est pas prêt.
Notre avis
Troisième fiction de Boris Lojkine, L’histoire de Souleymane est un film qui mérite tous les éloges. Un sujet brulant d’actualité est ici enrobé dans une mise en scène ensorcelante. C’est un film tendu et très rythmé qui nous conduit jusqu’à un final que l’on attend et appréhende autant que le personnage principal.
Le réalisateur parvient à créer une très belle fiction nourrie d’un précieux matériau documentaire. Car Boris Lojkine a fait ses armes avec le cinéma documentaire et ça se voit. Il met ici à profit son regard réaliste tout en affirmant une véritable puissance de narration, faisant œuvre de fiction avec un maîtrise époustouflante, créant des situations, des personnages, ménageant un véritable suspense. De la séquence du début à celle qui clôt le film, les émotions auront traversé L’histoire de Souleymane dans un souffle ininterrompu.
Le cinéaste parvient à nous glisser dans la peau de Souleymane de manière objective. La caméra suit le jeune Guinéen et nous fait partager son quotidien, l’urgence, le stress, la peur, la survie. Lojkine nous fait vivre chaque instant de ses journées et de ses nuits, de son travail, de ses galères, de son intimité. Souleymane est un homme sans cesse sur le qui-vive. Il doit courir après son salaire, dépendant d’une tierce personne malhonnête, il doit échapper aux contrôles qui peuvent être humiliants ou fatals, il doit tenir son chrono, rendre un service parfait, gérer chaque jour l’hébergement de la nuit prochaine, se préparer à sa demande de régularisation… Tout cela est montré comme une spirale infernale, un éternel recommencement. C’est un tourbillon, un engrenage fragile où l’on ressent qu’il ne peut souffrir le moindre grain de sable pour s’enrailler.
En découle un film bourré d’humanité qui montre les travers d’une société ubérisée qui rejette l’étranger autant qu’elle a besoin d’une main d’œuvre bon marché. Porté par un Abou Sangaré exceptionnel - mécanicien devenu acteur le temps de ce premier film- L’histoire de Souleymane offre une belle galerie de personnages parmi lesquels l’actrice Nina Meurisse qui s’illustre dans une séquence particulièrement poignante. Le film s’impose ainsi comme une œuvre nécessaire, vibrante d’empathie et d’intelligence sociale.