Ça c'est pas d'bol, Vol.1
Quand ça veut pas, ça veut pas...
Alors oui, Ray Charles, Otis Redding, Aretha Franklin, James Brown, on se dit qu’on connait, c’est de la pierre, du solide, c'est de l'éprouvé.
Ils sont la Tour Eiffel, l’Empire State Building, la Muraille de Chine de la soul.
Mais les autres, les sans grades, les loosers, les Jean-Claude Dusse de la musique, qui, miracle, ont un jour sorti une merveille d’album, ou ont tenté d’exister à l’ombre d’une grande sœur star absolue ? Il y en a plein !
Je vous en file trois…
James Thomas Ramey « Baby Huey », 200 kg de soul et 10 litres de sueur par concert.
Un baobab.
Un menhir de Carnac
Une masse éructant, vociférant, un énorme bébé totalement habité par la musique, l’héroïne et l’alcool.
Son premier album regorge de pépites, sa reprise de A Change Is Gonna Come de Sam Cook est tout simplement phénoménale. L’album sort en 1971. Mais ça fait déjà des mois qu’il est mort, en 1970, d’une overdose d’héroïne, à 26 ans.
C’est con, quand même, non ?
On l’oublie vite, Baby n’a jamais eu le temps de grandir, il disparait complètement. Ironie du destin, son album original, la galette noire, s’arrache désormais à prix d’or.
Prenez un compas, tracez un arc de cercle à 180° de Baby Huey et vous avez Lou Bond.
Une petite silhouette qui traîne sa guitare dans les rues de Memphis puis de Chicago, faisant ci et là écouter ses refrains mélodieux à souhait, d’une voix claire et fragile.
A Memphis, il réussit tout de même à signer chez Stax, alors mal en point côté finances ; on est au début des années 70, le vaisseau amiral de la flotte soul tangue dangereusement.
L’album est magnifiquement produit, des cordes, des violons, des envolées dignes d’un Mayfield grande époque.
Sublime.
Magnifique de délicatesse.
Mais patatras, bisbilles entre la Stax et CBS son distributeur, le disque peinera à sortir en 74, on n’en fera aucune pub, rien, le disque restera tranquillement dans les bacs, et Lou bond disparaitra de la circulation.
C’est dur pour une jeune graine de pousser à l’ombre d’un chêne majestueux.
Carolyn Franklin, la petite sœur d’Aretha a bien tenté quelques incursions en solo, mais bon, en face de la sœur, la comparaison était vite faite.
Un joli brin de voix, quelques trucs sympas, des bons arrangements, mais sa carrière n’a jamais décollé. Elle fera des apparitions au côté de sa sœur, mais finalement, se consacrera rapidement à une carrière de parolière. Pourtant, son If You Want Me, enregistré en 1973 est vraiment très chouette, bien soul, groovy, mais bon, RCA décidera de ne pas le diffuser.
L'album reste au point mort. Et puis quelqu'un en 1976 décide de le sortir, pourquoi maintenant ? Un coup de pouce de la grande soeur peut-être ? Toujours est-il qu'il sort enfin, mais depuis un an, une vague déferle sur le monde entier, emportant tout derrière lui, le disco.
Le disque de Carolyn Franklin sonne très 1973, soul, funky, en gros démodé, le bide était assuré.
Et bide il y eut.
Vraiment, le destin, quand ça veut pas, ça veut pas.